Moustapha DIAKHATE : Pétrole, Toujours l’alchimie de Senghor…

L’unité flottante d’extraction, de stockage, de prétraitement puis de transfert, présente à 90 km au sud de Dakar en toute sécurité à près de 780 mètres de profondeur par un système d’amarrage à tourelle externe, porte le nom du premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor.

Senghor était presque obsédé par notre bassin sédimentaire et surtout par les traces de pétrole sur l’étendue de notre vaste zone économique exclusive que nous partageons sur près de 100 000 km2 avec la Guinée-Bissau.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, et après la visite du général De Gaulle à Dakar, le député puis futur président de la jeune République du Sénégal a compris très tôt les enjeux énergétiques pour un pays dans un monde de productivité industrielle. En effet, le député Senghor a suivi de très près les difficiles négociations entre Etats européens sur le charbon et l’acier.

Juste avant l’indépendance, le président Senghor avait lui-même supervisé les transferts d’archives du BRGM  et de l’ORSTOM  afin de permettre au jeune Etat sénégalais de multiplier les recherches géologiques et minières onshore et offshore. La roche mère de la partie Nord-Ouest mais surtout les résultats des prospections offshores au Sud, sur la ZEE entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, sont concluants, seulement ce sont des pétroles riches en soufre et leur raffinage n’est pas encore standardisé. En visionnaire, le président Senghor exhorta son gouvernement de mettre en œuvre  la première raffinerie d’Afrique francophone en 1964 avec les paramètres et caractéristiques chimiques du brut nigérian, très léger, quasiment sans soufre, donc très facile à raffiner. Senghor savait que les réserves d’hydrocarbures du Nigeria étaient importantes et que l’axe Dakar-Abuja constituait une route courte et très sûre pour les pétroliers. Senghor fut un pionnier en tout.

Il est vrai que la guerre d’indépendance de la Guinée-Bissau et surtout le pétrole lourd – à haute teneur en soufre – qui s’y trouve n’offrent pas aux investisseurs des Capex attractifs, notamment en termes de normes environnementales d’émissions et de rejets dans l’atmosphère. Malgré tout, le premier président du Sénégal était convaincu qu’une découverte majeure dans le substratum atlantique attendait notre pays et il en a profité pour hâter son départ de la tête de l’Etat. D’ailleurs, lors de ses tournées d’adieu aux chefs religieux en 1980, son âge et la découverte du pétrole furent les causes de sa retraite politique.

Aujourd’hui, 75 ans après les efforts déployés par l’illustre premier Président pour faire du Sénégal une Mecque énergétique, notre pays, 21ème économie d’Afrique avec 30 milliards de PIB, ne parvient pas à mettre en place une raffinerie performante. pour raffiner et traiter tout le brut de ses champs d’hydrocarbures que le Fpso Léopold Sédar Senghor extrait de 10 puits sur les 21 trous  forés et percés  en offshore profond de Sangomar.

La Sar ne peut même pas traiter 30 % du brut de Sangomar, dont le potentiel avoisine le milliard de barils pour 20 ans d’exploitation. Nous sommes loin de la chaîne amont – aval  apportant de la valeur ajoutée des emplois. C’est un manque de vision notoire pour les deux régimes libéraux qui se sont succédés  ?

En attendant, nos pétroles, qui contiennent un peu plus de soufre, s’apparentent au brut russe – l’Oural – et au brut omanais que les raffineries asiatiques traitent dans le respect des normes d’émission ; ce qui, au temps de Senghor, constituait une contrainte avec les deux milliards de barils de pétrole lourd entre le Sénégal et la Guinée-Bissau dans notre espace maritime commun.

Petrosen doit faire mieux et plus que Senghor et sa raffinerie. L’urgence pour sa filiale de négoce n’est pas une usine d’urée, mais une deuxième raffinerie de grande capacité pour transformer localement nos hydrocarbures dans leur texture actuelle. De cette façon, nous serons dignes du rêve de Léopold.

                                                                  Moustapha DIAKHATE

                                               Expert en Infrastructures et Politique Energie

Rédacteur en Chef

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