Crise bancaire en Occident:  encore les actifs toxiques…

Qui l’eût cru, alors que la crise des  «subprimes» de 2008 reste fraîche dans nos mémoires, les piliers bancaires

Qui l’eût cru, alors que la crise des  «subprimes» de 2008 reste fraîche dans nos mémoires, les piliers bancaires, constitués d’un noyau de très grandes banques -les fameux too big to fail-,  replongent aujourd’hui dans les mêmes pratiques, pour ne pas dire dans les mêmes risques, au point de faire trembler les marchés financiers mondiaux et provoquer une crise systéma­tique  avec le rôle des banques centrales en question.

En  2008, les banques américaines accordent  des   prêts immobiliers à des conditions laxistes  aux ménages  disposant de faibles revenus avec le soutien du pouvoir politique, qui voit dans la frénésie de construction immobilière, un bon moyen de dynamiser l’économie à court terme. C’est le début du gonflement de la bulle, avec les prix de l’immobilier qui augmentent, entraînant dans son sillage haussier le crédit et la recharge hypothécaire qui permettent de s’endetter ou se rendetter au fur et à mesure de l’augmentation du prix du bien immobilier servant de support à l’hypothèque.

Les banques américaines, adeptes du risque grâce aux produits financiers complexes qui permettent de masquer  la nature véritable des risques qu’elles prennent, jusqu’à ce que la banque Lehman Brothers se retrouve en faillite.

Un peu avant, pour modérer les prix des actifs immobiliers, la Fed -la banque centrale américaine- a relevé les taux d’intérêt, mettant en difficulté les clients avec les crédits aux taux variables, ainsi s’en suivent des faillites en cascade de primo-acquéreurs aux revenus modestes ou faibles, les banques saisissent les biens immobiliers, vendus aux enchères en grand nombre, ce qui provoque une chute des prix qui déstabilisa le système financier américain et provoqua une crise comparable à celle de 1929 .

Après cette douloureuse épisode et la mise sous tutelle des plus grandes banques par les autorités publiques américaines, des mesures drastiques furent prises, notamment les stress tests -tests de résistance-, afin d’évaluer la solidité des établissements financiers ma­jeurs dont Chase, Citibank, Bank of America, Bnp, Sg, Crédit Suisse, Ubs, Barclays, etc. Cependant, c’est sans compter avec l’ingéniosité des banquiers, leur cupidité et goût du risque dans un système capitaliste qui «totémise» l’action des banques centrales au service des bourses des valeurs, bien qu’elles déclarent combattre l’inflation.

Avec la crise du Covid-19, la planche à billets de banques centrales fonctionne à plein régime. Il faut combiner le levier monétaire et le levier budgétaire, la Banque centrale européenne et bien sûr la Banque centrale américaine, Fed, y sont allées à fond pour enrayer la crise, soutenir les ménages prétendument et permettre aux Etats de faire face aux dépenses publiques de santé.  Les banques jouent le jeu, les taux sont presque négatifs, les banques centrales refinancent à tout-va et le système bancaire ultra usuraire ne se fait point prier. Nos banques centrales en Afrique nous étranglent en nous sevrant de liquidités, en Europe et en Amérique du Nord, les banquiers centraux injectent trop de liquidités ; c’est la politique de  «l’assouplissement quantitatif». Elle consiste, pour les banques centrales, à créer de la monnaie pour acheter des titres financiers, comme des obligations, aux banques, etc.

Certains titres financiers repris par les banques centrales sont malheureusement des titres toxiques, c’est-à-dire appartenant à des clients non crédibles et non bancables, mais les banques centrales ferment les yeux au nom de l’assouplissement sur une  longue période de réduction du taux d’in­térêt, qui fit croire à une relaxation de la contrainte monétaire, jusqu’à ce que les signes d’inflation réapparaissent  et les banquiers centraux se réveillent subitement et sortent les vieilles recettes, à savoir le relèvement des taux d’intérêt pour modérer les prix des biens et services, endiguer la spéculation sur les prix des actifs boursiers.

D’abord, c’est  la plateforme de cryptomonnaie Ftx, puis la Silicon Valley Bank (Svb),  d’abord perçue comme importante en termes de pertes en capital et de pertes pour les startups, mais sans répercussion systémique. En fait, la défiance se propage à d’autres banques, y compris new-yorkaises, car elles souffrent du même type de fragilité de leur bilan, lourdement chargé de titres et de bons du Trésor dont la valeur a chuté du fait de la remontée des taux d’intérêt.

Du fait de l’interconnexion entre l’Europe et l’Amérique du Nord, le doute sur la solidité des banques se diffuse dans l’Hexagone, a priori protégé par une réglementation financière plus stricte, mais le laxisme dans la gestion et les stratégies du Crédit Suisse, un fleuron bancaire helvète, se fait jour. D’ailleurs, c’est à se demander quelle est la responsabilité de la brillante personnalité africaine  M. Tidiane Thiam, qui fut l’exécutif en chef de Crédit Suisse sur le sort de cet établissement ban­caire  aujourd’hui en liquidation.

Et pourtant, après  la crise des  «subprimes», les  Etats-Unis avaient pu geler et maîtriser les  conséquences dramati­ques sur le système financier, de la diffusion des produits dérivés toxiques par un  durcissement réglementaire avec la loi  Dodd-Franck. Mais dès 2018, le lobby des ban­ques  obtient son adoucissement afin de ne pas pénaliser l’essor du crédit pour aider les mé­nages et booster la consommation.

L’excédent de liquidité dans le monde fera beaucoup de dégâts et risque de plonger le monde dans la récession économique pour 2023 et 2024 si les Etats ne coordonnent pas leurs interventions car Bretton Woods est dépassé, à moins de revenir à l’étalon-or. Après les banques européennes, le problème de la dette africaine attend les décideurs mondiaux, une autre bombe à fragmentation, surtout dans un contexte de baisse des matières premières, principale source de revenus des pays d’Afrique.
Moustapha DIAKHATE
Ex CS Premier Ministre
Consultant en finance
d’infrastructure

Rédacteur en Chef

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