AFRIQUE : 25 000 milliards F CFA de dette de la Cote d’Ivoire, Ouattara loin devant Macky et Talon

25 000 milliards F CFA de dette de la Cote d’Ivoire, Ouattara loin devant Macky et Talon : Deuxième économie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, le Sénégal est relégué au troisième rang sur les marchés financiers internationaux où les créanciers font plus confiance au Bénin et à la Côte d’Ivoire…

Deuxième économie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, le Sénégal est relégué au troisième rang sur les marchés financiers internationaux où les créanciers font plus confiance au Bénin et à la Côte d’Ivoire. Cela ressemble à une course effrénée vers l’endettement et les eurobonds. À la faveur de la nouvelle alternance, on avait cru que le Sénégal pourrait lever un peu le pied sur l’accélérateur de la dette, mais il faudrait encore attendre.

Les nouvelles autorités souverainistes, sur ce point, entament leur magistère en continuant l’œuvre de leurs prédécesseurs.

Ceci semble même être assumé par le ministère des Finances qui, dans son communiqué relatif à la dernière levée de 750 millions de dollars US d’eurobonds, se réjouit en ces termes : ‘’Les résultats obtenus confortent l’État du Sénégal dans son statut d’émetteur de référence, eu égard notamment à la qualité et à la crédibilité de sa politique économique.’’

Ce retour du Sénégal sur le marché international des eurobonds ne manquera pas de booster le niveau de la dette en monnaie étrangère, jugée par beaucoup d’économistes comme néfaste pour nos économies. À la fin de septembre 2023, informe le bulletin statistique de la dette publique pour le 4e trimestre (ministère des Finances), l’encours global de la dette publique était estimé à 15184,7 milliards F CFA. Il était constitué à 67% de dette extérieure et 33% de dette intérieure. Selon le bulletin, la dette extérieure est essentiellement constituée d’un endettement en monnaie étrangère, soit 99 % contre 1 % seulement en francs CFA. Dans le détail, c’est réparti comme suit : 46 % en euros, 41 % en USD, 5 % en CNY, 1% en CFA et 7 % dans d’autres devises.

Par rapport au Bénin et à la Côte d’Ivoire, le Sénégal est loin d’être un exemple en matière de politique d’endettement, si l’on en croit en tout cas les principales agences de notation. Paradoxalement, les trois pays étaient en même temps sur le marché financier international des eurobonds. Alors que le Sénégal cherchait à mobiliser 750 millions USD, le Bénin a levé le même montant à un taux certes légèrement plus élevé (7,9 %), mais pour une maturité deux fois plus longue, soit 14 ans contre 7 ans pour le Sénégal.

Depuis quelque temps, s’accordent à dire nombre d’experts, les marchés font plus confiance au pays de Patrice Talon qu’au Sénégal.

La ruée vers les eurobonds

Selon Standard and Poor’s, le Bénin surclasse le Sénégal sur bien des points. En effet, ‘’le 19 avril 2024, l’agence de notation S&P a rehaussé la notation de crédit de la République du Bénin, la faisant passer de B+ avec une perspective Positive à BB- avec une perspective Stable’’.

Avec cette notation, indique le site spécialisé, le pays ‘’surclasse le Sénégal (noté B+/B) grâce à une batterie de réformes de l’environnement des affaires et à une discipline budgétaire saluée par l’agence de notation’’. Il se hisse au même niveau que la Côte d’Ivoire, première économie de la zone UEMOA, qui caracole en tête depuis bien longtemps.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que pendant que le Sénégal navigue dangereusement dans la zone rouge, le Bénin, lui, prend le chemin inverse pour en sortir de plus en plus.

Selon le dernier rapport de la Caisse autonome de gestion de la dette du Bénin, ‘’l’encours de la dette publique s’est établi à 6 508,52 milliards F CFA en décembre 2023, soit un taux d’endettement de 54,91 %’’ contre environ 75 % pour le Sénégal.

Pour la Côte d’Ivoire, la dette se chiffrait fin 2023 à plus de 25 000 milliards F CFA, soit un ratio de 58,1 % par rapport au PIB chiffré à 47 913 milliards et une croissance de 7,2 %.

Maitre de conférences et agrégé en économie, l’Ivoirien Prao Yao Séraphin revient sur la bonne santé de la Côte d’Ivoire, en se basant sur les principales notations des agences de référence. ‘’Suite à une évaluation de l’agence de notation financière Fitch Ratings, le lundi 19 juillet 2021, le pays a vu sa note de crédit de long terme passée de B+ à BB- avec une perspective stable. À cette date, cette notation était la meilleure du continent après celle du Maroc (noté BB+ par Fitch)’’.

 Par la suite, indique-t-il, le 19 mai 2023, l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P Global Ratings) a confirmé ses notes de crédit souverain à long et à court terme en devises étrangères et locales de la Côte d’Ivoire, BB-/B avec perspectives stables. Last but not least, le 1er mars 2024, l’agence de notation internationale Moody’s, a rehaussé la notation de crédit de la Côte d’Ivoire, de Ba3 (Perspective Positive) à Ba2 avec perspective stable, explique le professeur qui précise : ‘’La Côte d’Ivoire reste ainsi un pays qui rassure aux yeux des investisseurs et plus singulièrement auprès des agences de notation.’’    

Ration dette-PIB : Sénégal 75 %, Côte d’Ivoire 58,1 %, Bénin 54,91 %

Ces notations, souligne-t-il, sont essentielles sur le marché financier international, car elles sont déterminantes dans les capacités du pays à lever des fonds de même que pour les modalités d’emprunt. Le professeur Séraphin est revenu sur les principales données utilisées pour procéder à ces notations. Selon lui, elles relèvent de quatre grandes familles. En premier, il y  a les performances économiques qui font état de la capacité d’un pays à générer de la croissance (variables retenues : croissance, inflation…), l’analyse des finances publiques qui permet de juger la trajectoire et la soutenabilité à terme de la dette publique (dette publique, déficit public, service de la dette…), l’analyse des risques externes afin de mesurer l’intégration et la dépendance des pays vis-à-vis de l’extérieur dans les échanges de biens et de capitaux (échanges commerciaux, balance des paiements, dette détenue par les non-résidents…) et enfin les perspectives politiques basées sur des indicateurs structurels pour évaluer la flexibilité et la qualité des institutions.    

Ces dernières années, le Sénégal a particulièrement souffert, selon les spécialistes, de la crise politique qui était à l’origine de nombreuses appréhensions des marchés et autres agences de notation. Dans une contribution, le professeur Abou Kane de la Faseg/Ucad disait : ‘’Entre 2021 et 2024, la situation du Sénégal a inquiété tous les investisseurs. Apparemment, ils ne se sont pas encore remis de leurs émotions et stress malgré la levée de l’incertitude politique.’’ Le professeur revenait aussi sur les autres facteurs, dont l’évolution du déficit budgétaire, la soutenabilité de la dette, la qualité de la gestion macroéconomique.   

Les éclairages de Prao Yao Séraphin, maitre de conférences agrégé en économie

Le spécialiste ivoirien, Prao Yao Séraphin, est revenu sur les tendances globales de la dette dans l’espace UEMOA. À entendre ses explications, s’il y a un cas qui doit vraiment inquiéter, c’est la Guinée-Bissau qui traine un ‘’risque de surendettement élevé’’ avec un ratio dette/PIB de l’ordre de 79,8 %.

Pour autant, la situation du Sénégal doit aussi appeler à la vigilance, selon le spécialiste, avec le dépassement du seuil de 70 % fixé par les critères de convergence de l’organisation communautaire. Pendant ce temps, le Togo s’en approche avec 68 %, constate l’économiste.

Pour la Côte d’Ivoire, explique le Pr. Séraphin, l’encours de la dette a augmenté de 52,1 % du PIB en 2021 à 56 % du PIB en 2022 puis à 56,7 %, fin juin 2023 (58,1 % selon les chiffres du ministère de l’Économie en fin 2023, NDLR). ‘’Le risque de surendettement du pays reste modéré, mais volatil’’, relève l’agrégé en économie, non sans préciser : ‘’Le taux d’endettement de la Côte d’Ivoire reste inférieur au seuil fixé par l’UEMOA (70 % du PIB). Sur la période 2016-2023, le service de la dette capte environ 39,34 % de ses recettes budgétaires.’’

Selon lui, grâce à l’adoption de mesures fiscales innovantes et à la maitrise des dépenses, le déficit budgétaire a été ramené à 4,1 % du PIB, soit le niveau le plus bas depuis 2019, et en baisse par rapport aux 5,5 % de 2022. ‘’Cette amélioration est due à un accroissement des recettes totales de 0,7 % pour atteindre 15,0 % du PIB, tandis que les dépenses publiques ont diminué de 0,6 % pour atteindre 19,2 % du PIB. L’assainissement budgétaire devrait se poursuivre à moyen terme, le déficit budgétaire diminuant encore pour atteindre 2,7 % du PIB d’ici à 2026’’.

La dette en monnaie étrangère, la vraie gangrène  

Chez les pro-endettements, on a souvent tendance à dédramatiser. D’aucuns vont même jusqu’à s’interroger sur la pertinence des critères de convergence que l’on brandit très souvent comme un plafond de verre pour les États. Le problème d’ailleurs, pour beaucoup de pays, c’est moins le niveau de la dette qui préoccupe, mais plutôt la nature de la dette souvent libellée en monnaie étrangère avec les fameux eurobonds. Le professeur Prao Yao Séraphin revient sur les niveaux de la dette extérieure qui renseignent approximativement sur la dette en monnaie étrangère des pays. ‘’En ce qui concerne le rapport dette extérieure-dette intérieure, souligne-t-il, le Bénin (73,1 %) dispose de la proportion la plus importante, suivi du Niger (64,6 %). Quant au  Sénégal, il est à 63,3 % contre 60,7 % pour la Côte d’Ivoire’’.

En dehors de l’exception nigérienne, les putschistes sont généralement bien notés sur ce plan. Le Mali (50,2 %) et le Burkina Faso (46,8 %) disposent des plus faibles proportions, ce qui pourrait s’expliquer par les tensions entre ces pays et les principaux bailleurs occidentaux. Cela dit, la tendance globale, selon le Pr. Séraphin, est à la baisse de la proportion de dette extérieure. ‘’La part de la dette extérieure demeure la plus importante (60,9 % du PIB en 2022 contre 39,1 % pour la dette domestique), mais a diminué par rapport à 2021 (63,9 % du PIB), traduisant ainsi la volonté des États d’accroître la part des ressources issues du marché régional’’, a-t-il renchéri.

PS : Il faut rappeler que le ministère des Finances du Sénégal s’est souvent défendu, en ce qui concerne le taux d’endettement par rapport au PIB, en invoquant une différence de calcul avec les voisins. Alors que ces derniers se conforment aux directives de l’UEMOA en ne considérant que la dette de l’administration centrale, le Sénégal lui intègre dans ses 75 % la dette du secteur parapublic.

Rédacteur en Chef

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