ELECTIONS LÉGISLATIVES 2022 : Les leçons d’un scrutin inédit….

Les Sénégalais ont accompli ce dimanche 31 juillet 2022 leur devoir citoyen en votant pour leurs représentants à l’Assemblée nationale. Pour ces élections législatives ouvrant l’ère de la XIVe législature, huit (8) listes de différentes coalitions étaient en lice. Les premières tendances lourdes, plus ou moins favorables à l’opposition, en attendant les résultats définitifs du scrutin, présagent d’une probable cohabitation.

Un fait inédit au Sénégal où le parti présidentiel ou la coalition soutenant le chef de l’Etat disposait toujours d’une majorité mécanique. Avec un faible taux de participation (47%), le scrutin de dimanche, tenu sous les yeux de 22 000 observateurs de la Commission nationale électorale autonome (CENA), d’experts de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et de l’Organisation internationale de la Francophonie, s’est déroulé dans le calme même si quelques dysfonctionnements ont été notés dans certains centres de vote. Après les premières tendances issues du scrutin, l’heure est aujourd’hui à la polémique à travers une guerre des chiffres entre Benno Bokk Yaakar (BBY) et Yewwi Askan Wi (YAW). Les deux coalitions en pole position revendiquent, chacune en ce qui la concerne, la
majorité à l’Assemblée nationale. En attendant la proclamation officielle des résultats, tirons quelques leçons du scrutin de ce dimanche 31 juillet 2022.

La guerre des chiffres

Aussitôt les premières tendances connues, c’était le désarroi dans le camp présidentiel qui n’a pas réussi son pari de reconquérir le département de Dakar, abritant la capitale et aux mains de la coalition Yewwi Askan wi depuis les élections locales de janvier dernier. Ses principaux responsables, à commencer par la tête de liste Alioune Ndoye, ont été laminés dans leurs différents bureaux et centres de vote. Il en est également ainsi dans les départements de Guédiawaye, Pikine, Rufisque, Keur Massar, Ziguinchor, Saint Louis… qui sont autant de greniers électoraux. Dans les réseaux sociaux, le patron de la mouvance présidentielle, Macky Sall, sa tête de liste nationale, Aminata Touré, battue dans son propre bureau de vote, et leurs ouailles sont tournés en dérision.

Les moqueries des internautes qui savourent la déconfiture de la coalition Benno Bokk Yakaar affolent la toile. C’est dans ce contexte que l’ancienne Premier ministre, Aminata Touré, la mine déconfite, est montée au créneau tard dans la soirée de ce dimanche historique, au quartier général de Benno Bokk Yakaar, pour déclencher la guerre des chiffres. «Si vous avez compté sur vos doigts, nous avons gagné 30 départements, ceci nous donne incontestablement une majorité à l’Assemblée nationale », a déclaré la tête de liste nationale de BBY à la presse après avoir énuméré les départements qu’aurait gagnés la majorité présidentielle.

Une affirmation vite démentie dans une vidéo postée sur sa page Facebook par la tête de liste départementale de Yewwi Askan wi de Dakar, Barthélemy Dias, qui parle de résultats préfabriqués, assure que Benno Bokk Yakaar est minoritaire et que la cohabitation est inévitable. « Pour la première fois au Sénégal, nous allons expérimenter la cohabitation. Si des gens veulent confisquer la victoire de l’opposition, le peuple sortira dans la rue », promet l’édile de la capitale dakaroise.

Alors que les résultats issus des Commissions électorales départementales autonomes (CEDA) battaient en brèche les chiffres de Mimi Touré en ce qui concerne certaines circonscriptions électorales, notamment les départements de Goudomp et Tivaouane entre autres, l’inter coalition Yewwi-Wallu, en conférence de presse, hier dans l’après-midi a mis en garde la mouvance présidentielle contre ce qu’elle a appelé « toute confiscation de la volonté populaire ». Président de la Conférence des leaders de YAW, Khalifa Sall a soutenu que la victoire de sa coalition ne souffre d’aucun doute. Déthié Fall, le mandataire national de YAW, ajoutera que le prochain président de l’Assemblée nationale sera issu de l’inter coalition Yewwi-Wallu qui a gagné l’essentiel des circonscriptions à grande potentialité électorale.

Abondant dans le même sens, les mandataires de la grande coalition Wallu Sénégal estiment que les résultats issus des urnes le 31 juillet résultent de la vitalité démocratique du Sénégal qui expérimente ainsi tous les systèmes de gouvernance et demandent à ses responsables et militants de rester vigilants et mobilisés pour arrêter les forfaitures du tandem Aminata Touré et Antoine Félix Diome qui, après avoir tenté de liquider politiquement leur « frère » à eux libéraux, Karim Wade, avec la complicité de la CREI, s’apprêterait à « confisquer la volonté populaire pour maintenir au pouvoir un régime aux abois ».

La revanche des embastillés

Le scrutin du 31 juillet aura été celui de la revanche des derniers responsables en date embastillés par le régime du président Macky Sall. Dans le département de Guédiawaye, Ameth Aïdara, le maire de la commune éponyme, arrêté le 17 juin alors qu’il s’apprêtait pour le rassemblement de l’inter coalition à la place de la Nation, y a battu la pléthore de responsables de la mouvance présidentielle (Aliou Sall, Fatoumata Néné Tall, Lat Diop, Racine Talla…). Arrêté à Ziguinchor, le même jour que le maire de Guédiawaye, Guy Marius Sagna a largement surclassé Victorine Ndey, Doudou Ka et Abdoulaye Baldé. A Pikine, la député sortante, Mame Diarra Fall, seule femme arrêtée dans le cadre de ce rassemblement interdit du 17 juin, n’a pas fait de détail devant Abdoulaye Thimbo, propre oncle du président de la République, et consorts. Dans le département de Mbacké, Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly, revigoré par l’inter coalition Wallu-Yewwi, a encore conforté sa mainmise en remportant le scrutin.

Débâcle des transhumants

A contrario, les maires transhumants qui avaient rallié la mouvance présidentielle au lendemain des élections locales de janvier dernier, à l’instar de celui de la Médina, Bamba Fall, ont bu le calice jusqu’à la lie dans leurs circonscriptions respectives. De même, des responsables de la mouvance présidentielle qui avaient conquis leurs fiefs avec des listes parallèles ont été humiliés sous les couleurs marron-beige. Un message fort délivré à Macky Sall qui, dans les lambris dorés de son palais, avait fait du débauchage des maires de l’opposition son sport favori.

Les cités religieuses pour la criminalisation de l’homosexualité

Le rejet du projet de loi criminalisant l’homosexualité par le bureau de l’Assemblée nationale a été le principal thème de campagne de l’opposition dans les différentes cités religieuses du pays. Les chefs religieux étant tous signataires de la charte proposée par la plateforme And Sam Jikko Yi, il ne restait plus dès lors à l’opposition qu’à appuyer davantage sur la plaie « goor djiguène » pour faire plus mal encore. Cheikh Abdou Bara Mbacké Dolly s’est ainsi servi de ce thème porteur pour creuser davantage le fossé dans la ville sainte de Touba. Dans la cité religieuse de Tivaouane également, l’opposition a raflé la mise en usant du même discours. Dans ce département éponyme, le président sortant du groupe parlementaire de la majorité présidentielle, Ay mérou Gningue, a mordu la poussière.

La cherté de la vie, l’impunité des responsables du régime et le 3e mandat

Outre le rejet du projet de loi criminalisant l’homosexualité, la cherté de la vie, l’impunité des pontes du régime malgré les scandales dans les quels ils sont impliqués, et le projet de 3e mandat prêté, à tort ou à raison, au président Macky Sall ont été également des facteurs de la déconvenue de la mouvance présidentielle dans les circonscriptions électorales phares du pays.

La maturité du peuple

Les citoyens sénégalais ont fait preuve durant ce scrutin des législatives d’une grande maturité. Même si le taux de participation n’est pas des plus élevés, puisque tournant autour de 47 %, les Sénégalais ont encore montré à la face du monde qu’ils ont une grande culture démocratique. En effet, alors que le vote s’est accompli dans le calme et la sérénité le dimanche 31 juillet, les citoyens ont vaqué le lendemain à leurs occupations quotidiennes laissant le terrain de la polémique aux coalitions rivales en attendant la proclamation définitive des résultats.

Rédacteur en Chef

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